Le palmarès de Laurent Dufaux n’est plus à faire. Professionnel entre 1991 et 2004, champion de Suisse, il est le dernier Helvète à avoir remporté le Tour de Romandie (1998).
Sans parler de ses succès au Tour de France et à la Vuelta. Mais s’il a raccroché le maillot de cycliste professionnel, il ne s’est pas éloigné du milieu du vélo. Actif dans le développement de textiles pour les sportifs de haut niveau, il organise des compétitions et s’implique dans la formation de jeunes cyclistes romands. Il me reçoit dans le showroom de la marque Craft à Aigle, au milieu d’habits de sport aux couleurs bigarrées.
Laurent Dufaux, les championnats de Suisse de cyclocross ont eu lieu récemment à Montreux. Vous étiez co-président du comité d’organisation. Un succès?
Ça s’est très bien passé. On a eu des retours très positifs de la part des coureurs et des spectateurs par rapport à la qualité du parcours, situé autour du stade d’athlétisme de la Saussaz. C’était une fierté de pouvoir organiser ces championnats en Suisse romande, sur un parcours inédit, avec une co-organisation entre Montreux Rennaz Cyclisme et le Vélo Club Vevey. Une première expérience de s’associer à un autre club. C’est quelque chose qu’on aimerait développer aussi avec le Cyclophile d’Aigle. La région Chablais-Riviera a toujours été dynamique avec le cyclocross. L’idée serait de revenir rapidement, au même endroit, avec un cyclocross de niveau international.

Vous êtes co-président du club Montreux Rennaz Cyclisme. Un club actif dans la formation?
Je suis actuellement co-président avec Steve Bovay, qui va bientôt devenir vice-président. Je serai donc seul à la tête du club. Le Vélo Club Rennaz est le club dans lequel j’ai débuté en 1983, avant qu’il fusionne avec le Vélo Club Montreux. J’ai eu la chance de vivre de ma passion en étant coureur professionnel et je vois tout ce que ce sport m’a apporté et c’est à mon tour de lui donner du temps et de la passion.
Et notre mission est bien sûr la formation. On a une dizaine de moniteurs Jeunesse et Sport qui encadrent tous les entraînements. J’ai la chance d’avoir mon fils, Loïs, qui après sa carrière au niveau Elite, est entré dans le club comme moniteur JS et qui s’investit beaucoup. On est principalement un club de vtt et de cyclocross en hiver.
Mais depuis 2024 on a aussi ouvert un entraînement à la route. Ça s’était un peu perdu et ça répond à une demande. On a besoin de ces clubs, c’est la base de la pyramide. Cela permet aux jeunes de se former avant d’envisager d’entrer dans un team de niveau régional ou plus tard de niveau Elite national ou plus haut. Et au Montreux Rennaz Cyclisme on a la chance d’avoir une belle école de cyclisme, avec parfois jusqu’à une trentaine de jeunes par entraînement. Ce n’est pas le cas de tous les clubs.
L’autre mission importante c’est d’organiser des courses. On va organiser le 23 mars prochain à Rennaz une manche du Giron du Rhône qui va s’appeler « L’Enfer du Chablais ». On aimerait organiser une course de vtt à Aigle. On a toujours des idées pour organiser des manifestations, afin de permettre à nos jeunes de mettre un dossard et c’est une grosse satisfaction pour eux de pouvoir participer à un championnat suisse, comme c’était le cas dernièrement à Montreux.
Vous avez une deuxième casquette comme directeur sportif d’une équipe de catégorie Elite Nationale (quatrième division du cyclisme international). Quel est votre rôle dans la formation des jeunes cyclistes suisses?
En 2021 on a créé une équipe de niveau Elite Nationale en Suisse romande avec Alexandre Debons et Loïc Hugentobler: Elite Fondations Cycling Team. L’idée c’est d’accueillir des jeunes qui sortent des juniors et des jeunes un peu plus expérimentés pour qu’ils se motivent et se forment ensemble. Les meilleurs, s’ils ont de bons résultats, peuvent accéder à une équipe professionnelle. On a une vingtaine de coureurs, issus de tous les cantons romands. L’équipe est basée à Genève mais avec des sponsors en grande partie valaisans. Aujourd’hui on s’est créé un nom, on court beaucoup sur les territoires français et belge. Il y a peu de courses en Suisse et pour faire progresser nos jeunes on doit leur offrir un calendrier plus large. Cette année on est par exemple invités au Tour de la Guadeloupe, à une course au Portugal.

Est-ce que vous avez l’ambition d’aligner des coureurs au niveau Continental ? (troisième division)
C’est une question qui se pose chaque année. Est-ce qu’on veut mettre cette équipe en statut Continental 3ème division ce qui nous ouvrirait plus facilement des portes dans des courses UCI. Courses auxquelles on a de la difficulté à accéder actuellement en tant qu’équipe de statut National. Après réflexion, on préfère garder ce statut National, tout en augmentant notre budget et en professionnalisant notre structure. On estime qu’on a accès à un plus large programme de courses, qui ne serait plus accessible si on passait en Continental. Et surtout on participe à des courses qui sont au niveau de nos coureurs. Donc on se dit: continuons comme ça et essayons d’être une des plus belle équipe de niveau National. Passer au niveau Continental ça demande aussi de salarier l’encadrement. Aujourd’hui on est défrayés, on fait ça par passion, pas pour l’argent. Mais tout reste ouvert et l’arrivée d’un mécène ou d’un gros sponsor pourrait changer les choses.
On voit qu’au niveau international les cyclistes professionnels arrivent au top niveau de plus en plus jeunes. Est-ce que la Suisse en fait assez pour former ses jeunes talents?
En Suisse la Fédération a beaucoup progressé par rapport à mon époque. Le cyclisme suisse est riche en qualité même si on a peu de coureurs. On a des jeunes coureurs qui émergent, un Mauro Schmid, un Marc Hirschi, un Stefan Bissegger, Robin Froidevaux, Yannis Voisard, c’est des coureurs que j’ai côtoyé dans des équipes où j’étais impliqué. Ils sont tous au niveau World Tour avec de très bons résultats. Pour en arriver là, ils doivent passer par l’équipe nationale pour participer à des Coupes des Nations et des sélections au niveau international pour se confronter à la concurrence étrangère. C’est vrai qu’aujourd’hui on va chercher les coureurs de plus en plus jeunes. Il y a des détecteurs de talents qui vont chercher des juniors pour les faire passer directement au niveau professionnel, à l’image d’un Remco Evenepoel.

Comme nos voisins Français, on attend toujours en Suisse le retour d’un grand champion, de la classe d’un Cancellara ou d’un Laurent Dufaux. Vous voyez arriver quelqu’un?
On est dans une phase où on a des bons coureurs mais qui ne marquent pas les esprits car ils ne sont pas sur le podium d’un grand tour comme le Tour de France. On a plutôt des coureurs qui peuvent gagner des classiques d’un jour, comme Marc Hirschi qui a remporté la Flèche Wallonne. Le regretté Gino Mäder, qui est décédé il y a deux ans, aurait eu le potentiel. Il a fait deuxième du Tour de Romandie et cinquième du Tour d’Espagne. Malheureusement il n’est plus là. Le prochain, ce sera peut-être un Jan Christen qui a gagné le Tour du Pays de Vaud. Il a vingt ans et c’est peut-être le nouveau coureur de course par étape suisse.
Est-ce que toutes ces activités vous laissent encore le temps de monter sur un vélo?
Oui, on doit trouver le temps! C’est important. Mais en hiver je suis plutôt orienté sur le ski alpin et le ski de randonnée. L’année passée j’ai quand même réussi à faire 3’000 bornes. Et cette année j’ai un projet avec des copains de faire Ollon – Nice en 6 jours par les cols. Donc il faut s’entraîner un peu!

Propos recueillis par : Gilles Scherlé
Photos: Montreux-Rennaz Cyclisme et Elite Fondation Cycling Team