35 ans de passion pour le tennis en fauteuil roulant.

Directeur du centre de sports et loisirs Les Iles à Sion depuis 1988 et professeur de tennis depuis cette année-là, Olivier Mabillard est past-président de l’association professionnelle des meilleurs professeurs et enseignants de tennis (SPTA). Il est surtout aussi l’un des artisans du développement du tennis en fauteuil roulant en Suisse. 

D’abord précurseur, il a pris assez naturellement le rôle d’entraîneur national, coach et organisateur. Le tennis en fauteuil est un sport relativement récent, puisqu’il a été développé seulement en 1976 aux USA. Il ne compte que deux catégories : paraplégiques et tétraplégiques et la balle rebondit 2 fois. Des professionnels se retrouvent souvent à jouer avec des débutants, que ce soit pour la compétition ou juste pour le plaisir. Premier prérequis pour commencer ce sport : avoir passé le cap de l’acceptation de son handicap.


Comment êtes-vous devenu entraîneur de tennis ?

Je dois avouer que ma première passion a été le football, puis en rentrant de Suisse allemande, j’ai été engagé ici au Centre de Sports et Loisirs Les Îles comme gérant en 1988 et tout s’est enchaîné. Je suis celui qui a été au bon moment au bon endroit. A l’époque, j’avais les deux diplômes d’entraîneur de tennis et de football. Il était évident que je vivrais mieux du tennis.

Olivier Mabillard en pleine action dans un fauteuil

Photo : Andréa Zollinger


Et le tennis en fauteuil roulant ?

J’ai aussi la casquette d’entraîneur de tennis en fauteuil. Le premier champion que j’ai entraîné a été le très médiatisé Gérald Métroz, sacré champion suisse. Avec lui, j’ai été parachuté entraîneur national et j’ai participé aux championnats du monde par équipes à Bruxelles en 1992. C’était le début d’une aventure incroyable qui a duré 35 ans. J’ai entraîné les équipes masculines et féminines suisses et j’ai participé à vingt-cinq championnats du monde, ce qui est l’équivalent de la Coupe Davis chez les valides, et quatre Jeux paralympiques. J’ai voulu essayer et tenter des choses pour développer ce sport et ça a marché.

Olivier avec Daniel Lopez à gauche et Patrick Maurin

Photo : Olivier Mabillard

Le tennis en fauteuil est-il populaire ?

De plus en plus de joueuses et de joueurs handicapés viennent essayer ce sport, j’ai donc commencé à faire des camps d’entraînement pour eux et j’ai recruté des moniteurs supplémentaires pour m’aider. Nous avons même dû agrandir nos infrastructures pour faire face à la demande. On a aussi commencé à organiser l’Open de Sion en fauteuil roulant, le 2e tournoi le plus important en Suisse, qui accueille des joueuses et des joueurs d’une dizaine de nations. C’est un peu l’équivalent du Swiss Indoor de Bâle chez les valides. Nous en sommes à la 24e édition cette année.


Ce sport est-il à la portée de tous ?

Oui, il existe des structures telles que le CFRVR (Club en fauteuil roulant du Valais romand) qui subventionnent les entraînements. On a un nouvel athlète qui a commencé il y a un an et qui est devenu champion suisse par équipe, mais on se rend compte qu’en Suisse, les gens vont plus facilement vers l’athlétisme par exemple, car c’est moins compliqué de trouver des lieux pour s’entraîner et c’est aussi moins cher. Quand on est en situation de handicap, on doit d’abord dénicher des salles facilement accessibles et s’équiper en conséquence, ce qui est assez cher.


Quelles sont les difficultés du tennis en fauteuil ?

Il vaut mieux avoir joué au tennis avant d’être en fauteuil roulant. C’est plus facile, car il faut manier le fauteuil, poser sa raquette sur le cercle des roues et jouer à Lucky Luke pour dégainer au moment opportun. C’est compliqué, en plus d’avoir un bon jeu, il faut être capable de bien se déplacer avec son fauteuil.

Olivier dans la peau d’un sportif Handisport.

Photo : Andréa Zollinger


Comment sont les fauteuils des sportifs ?

Les fauteuils de nos sportifs ont les roues inclinées et sont donc plus maniables. D’ailleurs, je m’y suis mis assez vite, car ce n’est qu’en jouant en fauteuil roulant moi-même, que je peux coacher mes athlètes. Tout prend un sens différent quand on expérimente soi-même le jeu en fauteuil.

Vous avez une méthode particulière d’enseignement ?

Ma méthode d’enseignement est assez simple. Il faut montrer, démontrer et jouer avec eux… Il faut y aller, quoi ! L’élève doit apprendre à ne pas avoir peur de se lancer et se familiariser avec la balle et sa vitesse. Certains en ont peur au début… Moi, je tente de transmettre la technique, mais pas la passion. Un sportif l’a ou ne l’a pas, ça ne s’apprend pas.

Quelles sont les qualités d’un bon entraîneur ?

Pour être un bon entraîneur, il faut beaucoup de passion et d’écoute. Je me suis même fait engueuler par les joueurs, par les parents parfois… Et j’ai appris à respecter leur point de vue. Pour moi, c’est un job à 200 % et je le vis comme ça. J’ai du plaisir à le faire et ce, chaque jour.

Quel est le niveau suisse dans ce sport ?

Le niveau suisse pour le tennis en fauteuil est relativement bas sur le plan international, car ce sont des amateurs. La plupart des pays qui nous entourent ont des ligues professionnelles et ça change la donne. D’ailleurs, les huit meilleurs joueurs au monde jouent aussi lors de tournois des grands chelems de Melbourne, Roland-Garros, Wimbledon et Flushing Meadows, sur des courts annexes. En plus, la plupart des grands joueurs mondiaux ont commencé tout jeunes, vers 5-6 ans, ce qui n’est pas souvent le cas en Suisse. Nous, on joue surtout pour le plaisir. En ce moment, nous possédons un réel talent avec Nalani Buob qui va certainement se qualifier pour Paris 2024 (21e mondiale).

Texte : Andréa Zollinger.